La classe d'une danseuse, une détermination de guerrière, c'est Laëtitia Eïdo. Héroïne de Fauda (Saison 1 et 2; Netflix), série sur le conflit israëlo-palestinien, elle est attendue dans le prochain film de Terrence Malick,The Last Planet avec notamment Matthias Schoenaerts et Joseph Fiennes. Entre autres. Car ces jours-ci, c'est aux côtés des DJ Bart et Baker que sa voix de mezzo-soprano fait des arabesques sur des boucles électros. La comédienne qui joue couramment en anglais, italien, espagnol, arabe et hébreu n'en finit pas de faire valser les étiquettes, au fil d'un parcours riche en tours et détours, hauts et débats. Après des études d'architecture et un master de Scénographie et Nouvelles écritures théâtrales obtenu à La Sorbonne Nouvelle, Laëtitia Eïdo a publié ses recherches dans la revue Registres. Eté décoratrice de théâtre et de cinéma, assistante réalisatrice, et enfin comédienne. Et aussi comédienne. L'occasion de la soumettre à l'interview Roulette Ruse. Une appli, des numéros tirés en aléatoire, chacun correspondant à une question.
17. Que met-on, que laisse-t-on, de soi dans un rôle comme Dr Shirin?
Les créateurs de la série Fauda {Lior Raz et Avi Issacharoff} ont été assez ouverts d’esprit pour me laisser transformer le personnage et y mettre beaucoup de moi : le docteur Shirin est devenue franco-palestinienne parce que je voulais qu’elle ait un pied en dehors du conflit et qu’elle soit capable d’avoir de l'empathie pour les deux camps représentés dans cette histoire. J’ai mis beaucoup de mon coeur et de mon désarroi devant ce terrible conflit sans fin… Et j’y ai ‘’laissé’' un certain espoir de résolution politique mais j’ai découvert en Israël et en Palestine, énormément de gens qui font tout pour vivre dans la paix et ont un vrai désir de co-existence.
1. Chanteuse… hasard ou vocation ?
Enfant, je passais de longs moments dans ma chambre à chanter les comptines de Miss Petticoat, mais je ne me serais jamais imaginée être une ''vraie'' chanteuse. D'autant que j’ai fait désespérer plusieurs professeurs de chant tellement je pleurais en cours parce que je n’y arrivais pas. Mais je n’ai jamais abandonné. Et puis un jour, j’ai réussi à ''sortir'' ma voix'. Et quand les DJ’s Bart&Baker m’ont proposé ce featuring sur le morceau Atlandida, c'est devenu un vrai objectif donc j’ai décuplé mes efforts - et mon plaisir ! Il y a encore du travail, mais je trouve ce chemin de découverte passionnant. Et comme j’ai toujours aimé les images, le graphisme et le montage, réaliser le clip de ce titre m’a paru naturel. J’ai été heureuse qu’ils me fassent confiance jusqu’au bout.
24. Avez-vous l’esprit de compétition ?
Pas du tout. Je trouve cela contre-productif. Je suis sûre qu’il y a de la place pour chacun, et que si un rôle ou un autre, nous est destiné, alors il nous arrive. En revanche, à titre personnel, je suis ma meilleure compétitrice. Je veux être à chaque fois au maximum de mes capacités (qui ont leurs limites bien-sûr) et me dépasser la fois d’après. C’est ma philosophie de vie : devenir meilleure, progresser tout le temps, me remettre en question et évoluer positivement, sur tous les plans et en m’inspirant des autres.
11. Un accessoire qui ne vous quitte jamais?
Mon chapeau: j’en ai toute une collection accrochée au mur de ma chambre et pour chaque saison. Et mes boules Quiès en titane! J’ai une peau hyper réactive au soleil, et des oreilles beaucoup trop sensibles… ça me permet de survivre en société quand un enfant hurle ou quand le métro freine.
36. Une citation qui vous accompagne ?
Celle-ci, de Victor Hugo, à condition d’entendre par le verbe ‘lutter’ qu'il emploie, ce que j’exprimais juste avant : une volonté de travailler ardemment à quelque chose qui nous tient à coeur
"Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont
Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front.
Ceux qui d'un haut destin gravissent l'âpre cime.
Ceux qui marchent pensifs, épris d'un but sublime.
Ayant devant les yeux sans cesse, nuit et jour,
Ou quelque saint labeur ou quelque grand amour."
16. Un livre qui a changé votre vie ?
Il y en a un et c’est mon livre de chevet en quelque sorte puisque j’ai toujours eu accroché au dessus de mon lit une page extraites de Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke.
J’ai toujours eu l’impression de porter la création en moi et de devoir la faire naître… C’est en train d’arriver je crois, à travers mes projets d’écriture, de chant, de photo, dessin, etc. J’ai mis plus de temps à faire aboutir ces passions, parce que je ne savais pas lequel de ces chemins suivre. Et puis j’ai décidé récemment que - comme la vie est courte - j’allais finalement me faire plaisir et ne rien me refuser, puisqu’on ne prend jamais la place de personne !
8. L’artiste disparu que vous auriez aimé rencontrer, voir en concert, joué avec, aimé faire un duo?/Et pourquoi lui/elle ?
Oh il y en a un petit paquet… Mais je dirais Freddy Mercury. La puissance, la maîtrise et les nuances de sa voix me galvanisent… et son histoire personnelle aussi.
31. Le destin des femmes vous touche-t-il davantage que celui des hommes?
Pas davantage, mais vu l’oppression dont les femmes sont victimes depuis des siècles historiquement, religieusement, socialement, il me semble absolument primordial de mettre leurs destins en lumière. Et je pense qu'hommes et femmes sont égaux, mais dans leur complémentarités, c’est à dire en prenant en compte leurs différences, qui sont aussi leurs richesses.
Comments