Léa Castel, Vald, Namir, DJ Pone, Suikon Blaz AD et Orelsan, complice de toujours, sont notamment au générique de Enfant Lune, le premier album de Gringe (Guillaume Tranchant). Le héros insouciant et décalé de Bloqués ou des Casseurs Flowters tourne une page, noire, racontant les combinaisons douloureuses d’une vie. Et touche des zones émotionnelles rares dans le rap, toujours justes et franchement fortes.
La plume de l’Enfant lune
« Je me suis d’abord attaqué aux pierres angulaires du disque : Scanner, Pièces détachées et Karma. Scanner parle de souffrance, c’est un texte essentiel, une déclaration à mon frère, et aussi un message préventif sans être moralisateur. Sa maladie {la schizophrénie} m’a dépossédé d’une partie de moi-même. Pièces détachées évoque notamment la relation à mon père. Avec Karma, je réfléchis sur la religion, la spiritualité. Ensuite, je tourne souvent autour de la thématique amoureuse, l’avant, l’après. D’autres morceaux sont plus mentaux, aériens, planants. Je devais trouver un juste milieu entre des instantanés d’écriture et une mise en forme plus accessible. C’était un pari de les mettre en musique et d’en faire des chansons. Cela a été intense, introspectif, obsessionnel. »
Gringe débloqué
« Mon premier nom de rappeur amateur était Gringo, les potes l’ont déformé en Gringe. Le personnage de Bloqués ressemble à un héros de bd, mais pas fabriqué. C’est le parcours de nos deux personnalités, celles d’Orelsan et la mienne, de nos vies adolescentes, mais on n’est plus dans ces réalités-là. Déjà avec Les Casseurs Flowters, je voulais exploser les barrières, avoir une vraie proximité avec les gens, puisque la musique est un pont et un vecteur d’émotion. Moi, je n’ai pas besoin de reconnaissance, je n’ai pas de désir d’ego-«trip. Je me livre complètement dans Enfant Lune, jusque là je n’avais jamais donner à voir qui j’étais. Trois ans de psychanalyse pratiquée d’une façon inconstante m’ont permis de débloquer certaines choses. Ce disque me rassemble, peut-être qu’il colmate des béances ou me recompose une façade idéalisée. Le fait de se livrer sans filtre est assez rare dans le rap où l’on a souvent des postures masculines, où l’on n’aborde pas les expériences amoureuses ou de drogues dures, un sujet tabou. »
Dans les coulisses de Raymond Devos
« Ma mère était comédienne de théâtre, elle devait rejoindre la troupe des Monty Python, en Grande-Bretagne avant ma naissance. Mon père a dirigé plusieurs scènes nationales, la dernière à Sète. Ils écoutaient du jazz, du rock, de la chanson. Par mon frère, j’ai eu accès au heavy-rock. Quand j’étais petit, mon père avait fondé un festival d’humour, évoluer dans les coulisses étaient ma norme. Je me souviens de grandes tablées après les spectacles avec Raymond Devos, Les Inconnus ou Bigard. J’ai su manier la répartie très vite, j’étais une gachette. J’étais aussi cet enfant lune qui a commencé à se réfugier au cinéma, seul, à 12 ans, et depuis, je vois un film par jour. Cela m’a sans doute permis de mettre de la distance avec le contexte de ces années passées à Cergy Pontoise. »
Rod Paradot dans le clip réalisé par Greg & Lio
L'heure du ciné
Les projecteurs étaient braqués sur Comment c’est loin, Orelsan a une aura magnifique. J’ai rencontré des agents de cinéma, Olivier Marshall m’a proposé un rôle dans Carbone et jai enchaîné avec Les Chatouilles, de Andréa Bescond et Eric Métailler, dans lequel on m’a transformé physiquement, Puis L’Heure de la sortie, de Sébastien Marnier (sortie le 9 janvier), un manifeste écologique et Damien veut changer le monde, de Xavier de Choudens (sortie le 6 mars), une comédie sociale sur la reconnaissance d’enfants dont des enfants sans-papiers. J’ai un respect immense pour la comédie. J’avais très envie d’essayer. Gamin je ressemblais à Bastien, le héros de L’Histoire sans fin, lui aussi dans la lune. A l’école, on a cru que c’était moi qui jouais dans le film et j’ai même signé des autographes… »
Enfant Lune. 7the Magnitude/3ème Bureau/Wagram Music. En tournée à partir du 25 janvier. A La Cigale (Paris), le 18 mars.
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