La dynamique de l'électro et le territoire de la chanson. Des eaux troubles existentielles et l'hédonisme de la dance. Les 4 "vieux frères" de Fauve, lancés par Blizzard ou Kané, ont réussi leur métamorphose avec Magenta, une nouvelle formation mais le même flou sur leurs visages et leurs identités, et les mêmes vies ébréchées. Si Magenta arpente le boulevard de l'électro avec l'album Monogramme, c'est porté par les vents brûlants de la transe, une mélancolie frondeuse et la politique des émotions. L'occasion de soumettre Magenta à l'interview Roulette Ruse. Une appli, des numéros tirés en aléatoire, chacun correspondant à une question.
1. La musique, hasard ou vocation ? Hasard complet. On a commencé après le lycée à faire de la musique ensemble pour créer et se défouler, le soir et le week-end, sans rien attendre, seulement de pouvoir enregistrer des chansons dans les chambres des uns et des autres, et de faire des petits concerts où on était payés en bières. Pendant de longues années, aucun d’entre nous n’imaginait que ça pourrait devenir un « métier » - parce que le milieu artistique nous était totalement étranger. Peut-être que ces années « d’avant » nous ont finalement préservés.
25. Ce que la musique a révélé de vous et en vous ?
« De nous », beaucoup de choses de l’ordre de l’intime, pas évidentes à dire sans expédient, sans écrin. Les textes sont devenus un vecteur nécessaire pour notre équilibre, au quotidien. « En nous », cela a révélé un besoin de création et d’expression dont on ne soupçonnait peut-être pas l’ampleur plus jeunes. Mais aussi une combativité, une résilience… Et la nécessité du jeu collectif. On a développé une forme de « dépendance » au fait de créer et de mener les projets à plusieurs. Peut-être que cela vient de notre éducation et de la nécessité de nous protéger les uns les autres, quand les choses sont allées « un peu vite » (à nos yeux).
13. Un pays, une région, une ville inspirante ?
La Normandie. Rome. Tokyo. Paris aussi quand même. Le mouvement et le voyage quand on a la chance de pouvoir y goûter. La chanson Pointe Rouge, c’est un peu différent : comme beaucoup de nos compatriotes on n’a pas bougé très loin l’été dernier… Vu que l’on ne connaissait pas les calanques et pas très bien Marseille c’était l’occasion. Pointe Rouge nous a finalement inspiré un morceau.
7. Une chanson, un disque électro qui a bousculé votre vie ?
Revolution 909 et quasiment tout Homework, de Daft Punk. Tout est parti de là pour MAGENTA, même si on l’a pas compris tout de suite. On connaissait assez mal cette musique, seulement les « tubes » qui passaient sur MTV quand on était gamins. Il y a eu un choc esthétique assez violent quand on redécouvert ce disque il y a quelques années. La nostalgie, peut-être, nous a plongés dans une partie de notre passé, et on a voulu le revivre inconsciemment en essayant d’apprendre à faire cette musique. La fascination est toujours aussi forte cinq ou six ans après cette redécouverte.
31. Le chanteur disparu que vous auriez aimé rencontrer, voir en concert, aimé faire un duo ?
Hmmm. C’est une question que l’on se pose assez rarement. On a tellement été habitués à vivre en autarcie que les envies ou idées de « collaborations » sont encore assez rares. Christophe, pour une soirée ou un duo. Il avait l’air si fragile et gracieux.
16. À quel moment une chanson est-elle achevée ? Au moment de livrer les masters. Sinon on ne s’arrête jamais de retoucher, c’est infernal. Certains titres de l'album Monogramme ont peut-être connu 70 versions. Avant, on se posait aussi plein de questions mais elles nous ralentissaient moins. Peut-être parce que la musique électronique est une discipline qui plusieurs années après nous intimide autant qu’elle nous fascine.
29. Que met-on, laisse-t-on, de soi dans une chanson ? Dans une de Monogramme en particulier ?
Les textes retranscrivent des choses vécues ou ressenties réellement, qui nous préoccupent profondément, dans l’intimité. Et qui expriment ce qu’on n’ose pas dire les yeux dans les yeux. À nous-mêmes autant qu’aux autres. Le pan instrumental des morceaux exprime aussi une gratitude et une fascination pour la musique électronique. Il y a beaucoup d’hommages cachés, parce qu'inconscients, dans des sons, des patterns rythmiques, des harmonies.
35. Un film/un livre de chevet ? Une expo ? ... Qui ont pu inspirer ces nouvelles chansons ?
Le manuel d’utilisation de la TR-909. Et de nos machines en général. On ne les potasse pas assez ou alors on oublie trop vite. Plus sérieusement, le cinéma et l’image nous nourrissent même si c'est un peu moins qu’auparavant. L’affiche d'Interstellar trône dans notre studio par exemple.
2. Une histoire derrière le nom MAGENTA ?
Le projet a commencé dans une chambre du boulevard Magenta, et on évoluait au quotidien dans le quartier de Gare de l’Est, Strasbourg - Saint-Denis etc. Le mélange d’hostilité latente de la ville en même temps que de bonnes vibrations et beaucoup de contrastes nous a marqués. Et puis c’est le nom d’une bataille de Napoléon du coup dans nos esprits ça se doublait de ce sens un peu « énervé », qui nous correspondait bien.
24. Pourquoi l'année média 2019 en particulier ?
Le morceau 2019 a été achevé cette année-là, l’album devait sortir dans la foulée mais il a été plusieurs fois décalé. On l'a gardé même si il peut paraître anachronique. Et puis en 2021 ça prend un sens différent et ramène un peu en arrière, dans le « monde d’avant », où la Covid n'existait pas, ce qui est une expérience intéressante.
5. Un écrivain/un poète que vous aimeriez mettre en musique ?
Allen Ginsberg, en français, mais il ne faudrait pas que le texte perde de sa magie. Cela dit on aime de plus en plus l’idée d’adapter en français des chansons anglo-saxonnes. On l’a fait avec Music Sounds Better With You de Stardust et c’était un super exercice.
19. Le plus grand malentendu sur Fauve ? De penser qu’on a fait exprès.
Les disques que vous avez re-écoutés avant d'enregistrer Monogramme ? « Homework » & « Discovery » - Daft Punk « Selected Ambient Works 85-92 » - Aphex Twin « Twoism » & « Music Has the Right to Children » - Boards of Canada « Kid A » - Radiohead « Super Discount » - Étienne de Crécy « The Fat of the Land » - Prodigy « Cross » (?) & « Audio Video Disco » - Justice
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